In memoriam: Steven Sondrup (1944-2020)

Gerald Gillespie commémore le professeur Steven Sondrup, ancien président de l’AILC

 

Le ou la collègue qui souhaitait rendre visite à Steven Sondrup, dont l’hospitalité et la convivialité étaient bien connues, était susceptible de le trouver soit à l’université Brigham Young à Provo soit chez lui, plus au nord, dans la vieille ville de Salt Lake City – à moins qu’il n’eût été en déplacement, pour répondre à une invitation officielle ou pour participer à un congrès. Jusque chez lui, son amor patriae et sa fibre internationale étaient manifestes. L’immense sous-sol de la maison de la famille Sondrup, dont il avait hérité, était, en fait, devenu un centre de communication multitâche bien équipé et, dans le jardin arrière, une impressionnante tour radio, digne d’une station commerciale, permettait à Steven de dialoguer avec le monde entier.

Steven fréquenta les écoles à Salt Lake City avant d’obtenir un diplôme en allemand magna cum laude de l’Université d’Utah. Steven apporta son insatiable curiosité intellectuelle et sa formidable capacité de concentration à l’Université de Harvard où il obtint une maîtrise et un doctorat (1974) avec une spécialisation en littératures modernes allemande et scandinave. De sa thèse dériva son premier livre, Hofmannsthal et la tradition symboliste française (1976), suivi de deux douzaines de volumes – monographies et ouvrages édités – sur un éventail d’objets en littératures scandinave et européenne modernes, sans oublier les actes de plusieurs colloques de l’Association Internationale de Littérature Comparée (AILC).

Dès 1973, Steven, très tôt polyglotte, devint Professeur de Littérature Comparée et d’Études Scandinaves à l’Université Brigham Young, et il s’engagea rapidement dans les activités savantes cosmopolites et animées de l’AILC dont il fut le trésorier pour l’hémisphère ouest de 2000 à 2004. Outre diverses fonctions dans des revues régionales et nationales importantes, il occupa à deux reprises le poste exigeant de rédacteur en chef du Bulletin de l’AILC (1988-2000, 2006-2010) qui, sous forme imprimée et électronique, était diffusé à des centaines de bibliothèques et à quelque 7 000 membres dans le monde. Son engagement exemplaire amena les membres de l’AILC à élire Steven, à deux reprises, au poste encore plus exigeant de co-secrétaire général (2004-2007, 2007-2010) et donc, de façon ensuite presque naturelle, à celui de président (2010-2013) puis de président d’honneur à vie (depuis 2013).

Steven, qui était une référence sur les auteurs et les sujets scandinaves, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des pays nordiques, fut le président et animateur idéal du groupe de chercheurs et chercheuses menant à bien un programme de recherche ambitieux sur ces questions, programme analogue et parallèle au travail mené sur plusieurs autres séries interculturelles développées dans le cadre de la collection pionnière de l’AILC, Histoire comparée des littératures en langues européennes. Le premier volume de la série scandinave, organisé autour de problématiques spatiales, a été publié en 2019 (https://benjamins.com/catalog/chlel.xxxi) ; le second volume, attendu en 2021, est structuré autour de questionnements temporels ; et le dernier volume portera sur des questionnements figuratifs. Les lecteurs souhaitant explorer toute la diversité de la production de Steven en tant que chercheur peuvent consulter le recueil récemment publié, intitulé Concepts and Context : A Retrospective (2020), qui regroupe 28 de ses articles sélectionnés sur plusieurs décennies et présentés dans leur ordre chronologique d’origine.

Sans doute le désir toujours enthousiaste de Steven de découvrir les cultures du monde n’est-il pas étranger à son engagement de jeunesse en tant que missionnaire mormon en Allemagne et en Italie. De nombreuses années et voyages plus tard, en tant que sage dirigeant de l’AILC, il a fait preuve d’une ouverture d’esprit et aux autres véritablement éclectique dans son soutien à de nouvelles initiatives de recherche et dans son engagement en faveur du développement des capacités de recherche collective de l’AILC à l’échelle internationale. Steven a poursuivi la tradition des présidents de l’AILC en encourageant à la fois l’ouverture à la diversité réelle des cultures et la capacité de décrire leurs principales caractéristiques, y compris les mythes politiques qui dominent des lieux et des époques particuliers – mais aussi, pour le chercheur moderne, indépendamment de ces mythes mêmes.

Gerald Gillespie (Stanford University)

(Traduit par Katharina Herold et Anne Tomiche)