In memoriam: Mario J. Valdés, 1934–2020

César Domínguez Prieto commémore le professeur Mario J. Valdés.

“La enseñanza es mi pasión. Todo lo que he publicado ha salido de las aulas, todo”

« Il n’y a pas de survie aussi significative que le mot recréé »

(Mario J. Valdés)

Le professeur émérite Mario J. Valdés, une autorité mondiale de Miguel de Unamuno, spécialist de l’herméneutique littéraire et de l’histoire littéraire comparée, est décédé le 26 avril 2020. Il a enseigné à l’Université de Toronto pendant environ trois décennies. Mario, d’origine mexicaine, était né à Chicago. Après avoir obtenu un baccalauréat en histoire, il a commencé des études supérieures en droit, mais a rapidement décidé de poursuivre l’étude de la philologie romane, avec une sous-spécialité en philosophie. En 1963, il a obtenu son doctorat à l’Université de l’Illinois, à Chicago. Sa thèse traitait de la représentation de la mort dans l’œuvre d’Unamuno. Un an plus tard, sa thèse a été publiée et est immédiatement reconnu comme une contribution essentielle à la recherche sur Unamuno. En plus, on l’a félicité pour sa rigueur scientifique et sa présentation claire des concepts critiques. Il a obtenu un poste de professeur adjoint à l’Université de Toronto en 1963. En 1967, il est nommé à un poste qui menait à sa titularisation deux ans plus tard. En 1969, il fonde un programme d’études supérieures en littérature comparée avec Northrop Frye, programme par la suite transformé en 1978 en centre de recherche, que Mario dirige jusqu’en 1983.

Entre 1992 et 2000, Mario fut le président du Comité de coordination de l’AILC-ICLA pour l’histoire littéraire comparée dans les langues européennes (désormais CHLEL). Selon ses propres termes, « Écrire une histoire littéraire comparée par le biais d’un travail d’équipe international est une procédure révolutionnaire dans l’historiographie littéraire ». C’est durant son mandat qu’un changement de paradigme a été introduit, à savoir l’histoire littéraire comparative organisée selon l’espace. Mario lui-même a contribué à ce changement de paradigme en tant que théoricien et praticien.

En tant que théoricien, Mario a conçu l’histoire littéraire comme un réseau hypertextuel basé sur ce qu’il a appelé le « modèle Ricoeur / Braudel », dont le but est de saisir l’ « épaisseur » de l’histoire. « Le modèle Ricoeur / Braudel […] nous donne des procédures pour aborder des conglomérats historiques complexes d’histoire littéraire comparée. Les littératures latino-américaines, les littératures des centres culturels d’Europe centrale, les littératures de l’Asie de l’Est, etc. sont de tels domaines d’étude », a déclaré Mario. La mention des littératures d’Amérique latine et d’Europe centrale n’était pas injustifiée, car entre 1996 et 2001, Mario a codirigé avec Linda Hutcheon le Projet d’histoire littéraire comparée, financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (désormais CRSH) et administré par l’Université de Toronto. Au départ, le projet comprenait trois histoires littéraires comparées distinctes, dont seules celles consacrées à l’Amérique latine (sous les auspices du CRSH) et à l’Europe centrale et orientale (sous les auspices de CHLEL) se sont réalisées.

En tant que praticien, Mario a co-édité avec Djelal Kadir Literary Cultures of Latin America: A Comparative History, un ensemble de trois volumes réunissant plus de 200 collaborateurs de vingt-deux pays. Aucune des trois sections de cette histoire comparative ne s’est basée sur une séquence traditionnelle de périodes littéraires. En revanche, l’ouvrage explore des cadres temporels alternatifs sont explorés concernant ce que Mario a appelé le « cadre » (géographie humaine, économie et sociologie en tant que conditions matérielles des cultures littéraires), la « synopsis » (le réseau d’itinéraires pour la circulation littéraire) et le « narratif » (écrivains et œuvres comme jalons de la culture littéraire). Le cadre, la synopsis et le récit trouvent leurs équivalences dans les temporalités sociales de Fernand Braudel (longue, moyenne et courte durée) afin que les Cultures littéraires d’Amérique latine soient énoncées trois fois par opposition à l’espace-temps mythique des histoires littéraires omniscientes. C’est à travers ce procéssus que Mario a réalisé l’un de ses principes théoriques centraux, à savoir, « une histoire littéraire comparée devrait reconnaître les limites épistémologiques que crée sa situation herméneutique : chaque historien se situera comme une personne réelle vivant dans un contexte linguistique et une communauté culturelle, et c’est à partir de cette position spécifique qu’il / ou elle peut engager ce que les phénoménologues appellent l’horizon du passé ».

Bien que Mario ait pris sa retraite en 1999, il a continué à créer une ambiance productive pour envisager de nouveaux projets, former des étudiants et guider des collègues plus jeunes. Son étude A Comparative History of Literatures in the Iberian Peninsula fair partie des projets influenceés par son apport intellectuel.Mario a laissé une immense contribution à l’histoire littéraire comparée. Son influence se fera sentir pendant de nombreuses années.